A l’inititiative de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR) et sous l’égide du professeur Nasser Amine (Egypte), Président du Centre Arabe pour l’indépendance de la magitrature et de l’avocature, s’est tenue une session de formation à la justice transitionnelle, le 12 mars 2016, au siège de l’Institut à Genève.
Cette session fait partie intégrante du programme de l’Institut Scandinave des Droits de l’Homme (SIHR) sur le thème de la justice tant sur le plan national qu’international que sur le plan de la justice transitionnelle ,
Pour rappel
((La justice transitionnelle en anglais transitional justice, parfois aussi dénommée “justice de transition” ou “justice en transition”, désigne un ensemble de mesures judiciaires et non judiciaires permettant de remédier au lourd héritage des abus des droits humains dans les sociétés qui sortent d’un conflit armé ou d’un régime autoritaire.
Son principe est qu’en promouvant la justice, la reconnaissance des victimes et la commémoration des violations passées, on multiplie les chances de la société de revenir à un fonctionnement pacifié et démocratique.
Les quatre mesures centrales de la justice transitionnelle (procès, publication de la vérité, réparations et réformes administratives) sont destinées à garantir quatre objectifs: la reconnaissance, la confiance, l’état de droit et à terme la réconciliation.
Les quatre droits reconnus aux victimes par la justice transitionnelle sont: le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation et la garantie de non-répétition (aussi dénommée non-récurrence). Ce sont les”principes Joinet» ou principes contre l’impunité, établis en 1997 par le juriste français Louis Joinet à la demande du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme.
Le domaine de la justice transitionnelle est évolutif et intégre régulièrement de nouvelles approches innovantes susceptibles de répondre à l’un ou plusieurs de ses objectifs.))
- Nasser Amine a mis l’accent sur le caractère exceptionnel et spécifique du concept de la justice transitionnelle, considérant qu’elle constitue une forme d’exception positive et nécessaire car elle ne revêt pas la même pérennité que les dispositions permanentes en vigueur au sein du pouvoir judiciaire, d’une part, et, veille, d’autre part, aux exigences de la paix sociale, de la concorde nationale, et au principe de l’instauration du primat de la Justice.
L’orateur a expliqué que la justice transitionnelle est un processus visant à démasquer les pratiques des régimes antérieures ayant commis de graves violations de droits et de libertés mentionnés dans les constitutions et les lois du pays, confirmés dans les conventions internationales auxquelles le pays a adhéré.
L’intervenant a fait valoir que la justice transitionnelle vise à aménager les sanctions dont sont passibles les responsables incriminés tant sur le plan pénal que le plan politique que sur le plan de la considération sociale, en veillant à aménager les modalités de dédommagement des personnes, des groupes ou des circonscriptions administratives afin de cicatriser de la meilleure façon possible les blessures du passé.
Selon M. Nasser Amine, la justice transitionnelle se propose en outre de dégager les voies les meilleures pour procéder à une saine réforme des institutions de manière à prévenir la répétition de tels comportements. Elle vise enfin à dégager la voie à la mise sur pied d’un pouvoir judiciaire indépendant sous la garantie d’une sage gouvernance et d’un développement durable.
Le juriste égyptien a mis l’accent sur l’importance de la détermination de la date et du lieu du procès, de même que les personnes devant faire l’objet d’un jugement et les sujets devant figurer au débat, parallélement, à l’instauration d’un commissariat national indépendant pour la justice et la réconciliation dont l’activité sera régie par une loi.
Selon lui, un processus de transition garanti devrait se faire par l’entremise d’un mécanisme visant:
-à donner satisfaction à toutes les composantes de la société.
-à mettre à jour l’héritage douloureux du passé concernant les violations car des faits occultés peuvent entraver le processus de transition.
-réactualiser ces mécanismes et le cours de la transition en adhérant au plus près possible à la réalité.
-à mettre l’accent sur la nécessité de prendre conscience des mécanismes de dissension sociale résultant de la dialectique accusé-victime et du rôle de la justice transitionnelle dans la dilution des obstacles par la réparation de l’injustice.
- Nasser a énuméré les piliers sur lesquelles reposent la justice transitionnelle:
-La réforme structurelle des institutions
-réclamer des comptes
-réparer les domaines ayant fait l’objet de dommages
-éviter la répétition de tels méfaits par la mise en œuvre d’un mécanisme de sauvegarde.
La réforme des structures devra englober le domaine législatif car les violations ne résultent pas simplement des ordres donnés et reçus, mais également des dispositions législatives favorisant la prise de telles décisions.
La réforme structurelle devra englober aussi l’appareil sécuritaire et le domaine des médias et de la communication, facteur de conditionnement de l’opinion.
Réclamer des comptes:
L’opération doit porter sur les crimes et les violations , de déterminer la gravité des crimes et le degré de responsabilité du ou des auteurs. Cela implique réparation du dommage, indemnisation des victimes, ainsi que la commémoration du souvenir de la victime ou de l’événement.
La garantie visant à prévenir la répétition de tels comportements criminels implique la présence de comités chargés de collecter les faits et les preuves, de les archiver de manière professionnelle et objective et de décréter le principe de l’amnistie en contrepartie de la garantie de mettre en lumière toute la vérité, de manière à pouvoir faire le récit de la mémoire nationale de cette période en pleine connaissance de cause.
la discussion qui a suivi l’intervention du juriste égyptien, a notamment porté sur les modalités à mettre en œuvre pour subvertir l’ancien appareil judiciaire durant la période transitoire et les risques encourus, de même que que sur les mesures à mettre en oeuvre pour passer à une collaboration politique et sociétale en vue d’amorcer le processus de justice transitionnelle.
Genève 12 mars 2016